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La ville entre mer et montagnes

 

 

 

La ville de Marseille possède une richesse historique de 2 600 ans qui se ressent dans la complexité de son tissu urbain qui accumule les transformations plus ou moins maitrisées. La présente partie s’attarde à l’évolution de sa forme urbaine et aux enjeux actuels qui y sont liés.

 

L’établissement des Phocéens au cœur d’une topographie contraignante au temps de l’Antiquité a un important avantage commercial pour la ville de Marseille (anciennement Massalia). Dans un secteur au cœur des montagnes qui font office de protection, un pôle d’échange commercial se situe près de ce qu’on appelle le Vieux-Port, qui constitue un accès privilégié à la mer Méditerranée. Cet endroit en est alors un d’affaires et donnera une dynamique singulière à la ville méditerranéenne par son lien maritime avec l’orient, que très peu de villes d’Europe possèdent. [Ville de Marseille, 2013, p.43]

 

La forme urbaine de la ville de Marseille date de l’Antiquité et reste sensiblement la même jusqu’au Moyen-Âge, où elle environne 50 hectares d’emprise. Le tissu urbain tarde à s’étendre à cause entre autres d’une muraille aménagée au sud-est et notamment pour des raisons topographiques. Cependant, le caractère urbain typique marseillais se fait déjà sentir par la forme compacte et légèrement orthogonale du viaire, ses cœurs d’ilots rares, ses parcelles de faible largeur et les façades répétitives qui s’y installent, révélant des logements non traversants. Ces caractéristiques sont encore perceptibles aujourd’hui dans l’ancien quartier nommé le Panier, situé au cœur du centre-ville marseillais. [Ville de Marseille, 2013, p.43-44]

LA VILLE DE MARSEILLE

Morphogenèse

Les interventions urbaines du XXe siècle se dessinent de façon ponctuelle suite à la guerre et à la dégradation du logement, à l’immigration massive suite à la décolonisation et à l’étalement urbain. Ces enjeux permettent d’inscrire de nouveaux objectifs dans un projet urbain à la fin du siècle : Euroméditerranée.

 

À la suite de la Deuxième Guerre mondiale, une volonté de requalification du cœur historique de Marseille mise seulement sur la partie détruite du tissu urbain d’origine, soit les rues jouxtant le Vieux-Port au nord. Autrement, jusqu’en 1975, plusieurs interventions ponctuelles dans le centre-ville créent des ruptures d’échelle, dont l’intégration de l’autoroute A7 en plein centre-ville et plusieurs immeubles de fort gabarit résidentiels pour répondre au boum démographique. En parallèle, dans les années 90 se créent de grandes opérations de requalification des tissus existants dégradés, telles que ceux du Panier, de Noailles et de Belsunce. En plus de viser la préservation des formes bâties, les interventions misent sur une meilleure salubrité des logements fortement dégradés et sur une mixité d’usage. [Ville de Marseille, 2013, p.57]

 

Un autre caractère majeur de Marseille devient un enjeu fondamental au cours du XXe siècle, soit sa mosaïque culturelle. En effet, plusieurs vagues de population ont transité par Marseille au cours de son histoire et certaines décident de s’y installer de façon permanente, surtout à la suite des bouleversements du XXe siècle. Par exemple, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, une immigration venue d’Italie se ressent puis, suite à la décolonisation, les Pieds Noirs venus d’Algérie transitent par Marseille et s’y installent de façon massive, ce qui pousse à l’urbanisation des quartiers nord et le développement de nouveaux réseaux de transport. La qualité des logements dans ce secteur reste toutefois à désirer. Un contraste est encore perceptible entre les quartiers en terme d’emploi, de statut social et de précarité. Les quartiers nord se distinguent à l’époque par leur manque de services et leur haut taux de pauvreté et de criminalité. [Bertoncello, 2010, p. 210]

 

 

« […] un Marseillais demeure toujours l’indéfinissable produit d’une subtile alchimie. […] Mais, pour bien comprendre cela, il faut être – il faut se sentir!- Marseillais. C’est-à-dire un peu grec, un peu italien, un peu corse, un peu arménien, levantin, un peu espagnol ou portugais, un peu pied-noir, un peu juif, un peu maghrébin, un peu africain, un peu ch’timi, basque, breton, un peu auvergnat, un peu gitan, manouche ou rom, un peu parigot… j’en passe mais pas forcément les moins bons, car tous authentiquement… Marseillais! Â»

 

-Lionel Heinic & Pedro Hernandez [Blanchard, 2005, p.224]

 

 

Au tournant du XXe siècle, les divers noyaux villageois hors de l’ancienne enceinte de Marseille sont intégrés dans une agglomération urbaine plus large, ce qui jouera beaucoup dans le développement périurbain des années 2000. En effet, au tournant du millénaire, même si elle constitue la deuxième plus grande ville de France, Marseille est très peu dense. La raison est que ladite métropole ne représente plus un pôle central pour son aire métropolitaine. Cela est dû en partie à l’évolution rapide des villes moyennes adjacentes et la création de nouveaux pôles indépendants, créant une grande migration concentrique de Marseille à ces autres villes de Provence qui s’autosuffisent. Le Vieux-Port marseillais, centralité territoriale évidente jusqu’au XIXe siècle, est maintenant très enclavé, la population se tournant principalement vers les nouvelles banlieues nord intégrant de nouveaux bâtiments construits sur des terrains remblayés gagnés sur la mer ou sur le relief d’autrefois. Les politiques urbaines de Marseille tentent donc de remodeler l’image que ses travailleurs s’en font, pour les inviter à habiter le centre-ville. Marseille n’a pas encore l’image d’une ville où il fait bon passer ses soirs et fins de semaine. [Ville de Marseille, 2013, p.64]

À Marseille vers 1985 se ressentent l’étalement urbain au profit des autres villes de Provence et la crise économique suite au déclin de l’industrie portuaire. Plusieurs enjeux sont présents dans les années 90, tels que le manque d’emplois, une population déclinante et plusieurs tensions entre les diverses cultures dans la ville. Avec plusieurs objectifs socioéconomiques, le projet Euroméditerranée voit le jour en 1995 par une OIN, considéré comme la plus importante opération de rénovation urbaine en Europe du Sud. À plus grande échelle, cette requalification a pour but ultime de remettre Marseille au cœur de l’activité régionale, méditerranéenne et européenne, place qu’elle a longtemps occupée comme seul lien français avec l’orient.

 

Chose nouvelle pour un projet d’une telle envergure, Euromed n’est pas seulement un projet public, mais une coopération entre les diverses autorités marseillaises, provençales et françaises, avec une implication particulière du secteur privé. Le projet se concentre alors autour des infrastructures arrière portuaires abandonnées pour mieux lier le centre-ville et la ville ancienne au port, mais également aux quartiers nord de Marseille, où l’iniquité sociale et la pauvreté se font sentir.

 

Plus précisément, Euromed a pour but de convertir le port en un centre de services d’affaires commerciales en plus de mettre de l’avant de nouvelles infrastructures culturelles et touristiques supportées par une offre résidentielle revitalisée près du secteur de la Joliette pour recoller les quartiers. Un nouveau skyline est donc dessiné par les architectes internationaux de l’heure avec la création d’un panorama urbain qui dialogue avec la mer. En terme de transports, la piétonnisation du Vieux-Port, le recul de l’autoroute A7 par rapport à la mer, la rénovation de la gare St-Charles en pôle multimodal accueillant le TGV et l’emphase sur de nouveaux espaces publics mettent trois zones principales en relation, soient la Cité de la Méditerranée (architecte Yves Lyon), la Joliette (agence Vouquet-Charlet) et les alentours de la gare St-Charles (Bruno Fortier et Jean-Michel Savignat). En tout, on prévoit y implanter 600 000 mètres carrés d’immobilier d’entreprises, 400 000 mètres carrés d’espaces résidentiels ainsi que 200 000 mètres carrés d’équipements publics et culturels. [Bertoncello, 2010, p.113-115]

 

La ligne T1 de métro permet de relier les quartiers existants visés par le projet, soient la Joliette, la St-Charles, la Belle de Mai, l’Arenc, le Panier, le Vieux-Port et Belsunce-Noailles. Le but est de connecter au port par des vues et des espaces publics. [Guillot, 2014, p.28]

 

La mixité d’usages est mise de l’avant au sein du projet, permettant de réunir bâtiments phares et typologies résidentielles caractérisant chaque quartier. Pour le nouveau quartier de la rue de la République, une réhabilitation des logements et la mise en évidence de nouveaux commerces sont en perspective. Pour la Cité de la Méditerranée, on vise la mise en place de commerces, de bâti culturel, résidentiel et public sur les quais. La Joliette propose la réhabilitation et la création de logements de gabarits variés dans l’ilot M5, secteur anciennement portuaire. La St-Charles mise sur de nouveaux commerces autour d’une nouvelle extension de la gare accueillant le pôle multimodal. La Belle de Mai se veut quant à elle un secteur dynamisé par la présence de bâtiments culturels et commerciaux. Finalement, le quartier du Panier mise sur la réhabilitation de bâtiments publics anciens. La protection du patrimoine bâti poursuit donc sa lancée débutée à la fin des années 80 au travers d’Euroméditerranée. [Guillot, 2014, p.28]

 

Pour assurer la lisibilité du projet, l’emphase est mise sur les espaces publics et l’intégration de végétation à même le tissu existant. Les places publiques telles que l’esplanade du pavillon M permettent des percées visuelles entre le Panier et le Vieux-Port, pour mieux reconnecter et désenclaver le quartier existant. Du Vieux Port au J4, une nouvelle promenade piétonne est mise de l’avant, permettant d’aérer les ilots pour mieux lier la terre à la mer. La ZAC Joliette offre un nouveau cadre bâti en plein centre-ville, par une offre résidentielle diversifiée, une variété de textures et de couleurs, ainsi que des espaces publics et intermédiaires à l’échelle du piéton pour consolider la densité bâtie. [Guillot, 2014, p.29]

 

Pourtant, plusieurs voix s’élèvent face à cette restructuration urbaine, que les habitants qualifient comme une réduction du paysage urbain en une vitrine internationale sans relation directe avec la dynamique des cultures qui définit Marseille depuis toujours. Les secteurs résidentiels revitalisés, tels que les quartiers populaires de Belsunce-Noailles, le Panier et la rue de la République, montrent une absence de collaboration avec les populations locales dans le processus, avec pour résultat une offre résidentielle et des équipements inadaptés aux populations immigrantes et aux classes d’ouvriers dans ces quartiers. Comment donc raviver la flamme identitaire des populations en place face au projet et les conforter face aux infrastructures culturelles en chantier afin qu’elles aient un sens populaire autant que touristique? [Bertoncello, 2010, p.96]

Euroméditerranée, le projet urbain

Les enjeux marseillais à l'aube du millénaire

Emprise urbaine en 1650

Vieux Port

actuel

La ville sort de son enceinte

 

 

 

En 1666, Louis XIV annonce l’agrandissement de la ville par la greffe au sud du tissu existant (à l’est du Vieux-Port) d’un nouveau programme urbain, conçu par Pierre Puget, architecte et sculpteur. Entourée par une nouvelle enceinte plus étendue, la trame en damier permet une rationalité dans l’alignement du nouveau bâti, des largeurs de voie et de parcelle rectilignes et importantes facilitant le déplacement. La création du Grand cours Belsunce permet de lier les deux tissus par un espace public partagé jouant un important rôle d’apparat à l’époque. Le projet prend un air monumental fortement inspiré du style baroque, mais a cependant du mal à voir le jour vu les volontés divergentes des élites en place, ce qui laisse seulement un plan orthogonal en héritage pour la suite de l’évolution urbaine. La création de nouveaux quartiers tels que Noailles, dans lesquels quelques ilots de formes triangulées font ressentir le style en place, met en valeur pour la première fois des perspectives visuelles bien précises dans le cœur urbain. [Ville de Marseille, 2013, p.44-45]

 

Bien que la ville ait triplé de superficie à la suite de l’agrandissement, les élites de l’époque ne croient pas nécessaire de poursuivre la lancée, de peur de perdre le contrôle économique dans une ville de taille trop vaste. Pour ce qui est des habitants, la densification de la nouvelle trame s’est faite de façon lente, sur plus d’un siècle, ralentie à cause d’une crise économique et de la peste de 1720. On sent cependant déjà à l’époque la ségrégation qui s’opère entre les quartiers anciens et les nouveaux quartiers, où le commerce fleurit avec du bâti de plus grandes envergures et des cours de négoce, très populaires. Le quartier médiéval du Panier, au nord, est abandonné par la bourgeoisie puis peu à peu dévalorisé. [Ville de Marseille, 2013, p.45]

 

Massalia

[Ville de Marseille]

L'actuel quartier du Panier

[Ville de Marseille]

Le Panier : tissu compact

[Ville de Marseille]

Emprise urbaine en 1743

Le cours Belsunce et sa percée visuelle

[Ville de Marseille]

L'actuel quartier Belsunce-Noailles

[Ville de Marseille]

La ville s'industrialise

 

 

 

 

Les débuts du XIXe siècle bouleversent cependant Marseille et sa forme urbaine. Plusieurs extensions se créent en périphérie du centre historique, rassemblant une mosaïque complexe de nouveaux tissus venus d’initiatives privées, à la suite de la démolition de l’ancienne enceinte. Ne référant pas à un plan d’ensemble unique, une multitude de quartiers voient le jour de façon inégale. Cependant, ces quartiers ont du mal à se lier au reste de la ville, vu l’absence de voies directes entre les secteurs. [Ville de Marseille, 2013, p.48]

 

Par ailleurs, la venue de la Révolution industrielle vers 1850 permet le développement de nouvelles infrastructures telles que le port sur la façade maritime nord-marseillaise et la voie ferrée (nouvelle gare St-Charles) à l’est du Vieux-Port. Ces initiatives nationales, avec des capitaux internationaux investis, mettent désormais en valeur l’État comme maitre des interventions territoriales et relèguent au second plan les initiatives locales à même le centre-ville. En effet, à l’échelle de la ville, ces infrastructures créent d’immenses coupures entre les quartiers existants par leur organisation radiale du centre à la périphérie marseillaise, ce qui est encore perceptible aujourd’hui. La création de la gare St-Charles, par ailleurs, va modifier l’équilibre du centre-ville, créant une coupure urbaine entre les fonctions administratives et tertiaires au sud et les fonctions portuaires et populaires au nord.  [Ville de Marseille, 2013, p.48]

 

À proximité de ces nouvelles infrastructures, des industries sont implantées pour supporter l’économie moderne et la création de faubourgs ouvriers se met en place. Les secteurs d’Arenc et de la Belle de Mai font office de jonction entre les espaces industriels par de l’habitat spontané rudimentaire, qui se développe dans les interstices urbains en place. Une densité démographique et bâtie élevée en résulte avec un manque sanitaire important, qui sera plus tard l’endroit de prédilection des immigrants les plus pauvres. [Ville de Marseille, 2013, p.49]

 

À Arenc, les espaces publics sont entourés de façades-écrans de style Second Empire et ne comportent que de nouvelles voies de circulation orthogonales pour mieux lier les quartiers aux nouveaux bassins de la Joliette dans le port. Un de ces nouveaux axes de liaison est la rue Impériale (actuelle rue de la République), qui a percé le tissu existant en détruisant 60 rues et 935 maisons. L’endettement de la ville pour ce raccordement n’a qu’incité qu’à un plus grand écart entre les quartiers nord, industriels et populaires et les quartiers sud, plus bourgeois. Sur la rue même, les logements ne répondent pas aux besoins des différentes classes. Les perméabilités visuelles mises de l’avant par Puget sont maintenant au second plan et une impression d’enclavement se ressent à proximité des nouvelles infrastructures qui ne sont désormais plus à l’échelle humaine. [Ville de Marseille, 2013, p.49]

 

La fin du XIXe siècle et le début du XXe rendent compte d’un laisser-aller vis-à-vis de l’aménagement urbain et de la préservation des tissus anciens. Pourtant, la ville se densifie vers le nord et l’est, suite à l’arrivée des infrastructures modernes qui impulsent l’économie. Parmi les typologies de densification dans ces secteurs, on peut constater la présence de nouveaux bâtiments monolithes construits sur de grands ilots restructurés. Ces équipements de santé, d’éducation et de logements changent une partie de la ville, en s’implantant à proximité de quartiers aux immeubles de gabarit moindre tels que près de la Belle de Mai, favorisant un changement d’échelle drastique avec les quartiers plus anciens. On peut ressentir une absence de lisibilité par les reculs diversifiés par rapport à la voie, qui elle, est particulièrement étroite et peu structurée et par les murs aveugles des nouveaux bâtiments, rendant difficile l’orientation spatiale dans ces quartiers. Autrement, la forme urbaine bâtie manque de diversité, l’ensemble des classes sociales des nouveaux quartiers l’adoptant de façon semblable dans sa forme et ses dimensions. Autrement, l’absence d’espaces intermédiaires de socialisation se ressent par des cœurs d’ilot réduits et des places publiques qui n’encouragent pas la perméabilité avec les tissus existants. [Ville de Marseille, 2013, p.51]

 

 

Emprise urbaine en 1852

Bassins de la Joliette

Dynamisme du port de la Joliette

[Ville de Marseille, 2013]

Emplacement des docks de la Joliette, de la gare St-Charles et de l'axe de liaison de la rue de la République

[Ville de Marseille, 2013]

Emplacement des anciens quartiers ouvriers d'Arenc et de la Belle de Mai

[Ville de Marseille]

Les hangars du port

[Ville de Marseille]

La rue de la République

[Ville de Marseille]

Emprise urbaine en 1903

Vue du quartier actuel de la Belle de Mai

[Ville de Marseille, 2013]

La Canebière lie le Vieux-Port au nouveau quartier de Noailles

[Ville de Marseille]

Emprise urbaine en 1943

Revitalisation des façades de la rue de la République

[Ville de Marseille]

Étalement urbain de l'agglomération marseillaise

[Guillot, 2014]

Une ville multiculturelle

[Ville de Marseille]

Emprise du projet, 2013

[Euroméditerranée]

Euromediterranée en images

MARSEILLE ACTUELLE [Guillot, 2014]

850 636 habitants 

2e ville de France

240 km2

3 565 habitants / km2

Maire : Jean-Claude Gaudin

8 secteurs et 16 arrondissements

Emplacement de Marseille

[AGAM]

premier port de Méditerranée

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